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Les malheurs de la guerre
Dès le début des hostilités, le 1er septembre 1939, le maire reçoit l’ordre d’évacuation. Pas question de traîner, car le délai est court… Deux petites heures seulement pour emmener l’essentiel ! Le gros bétail est lâché et commence à errer dans les rues où règne une agitation sans pareille. A 17h, sous la conduite du maire de la commune, la longue file des voitures s’ébranle en direction de Rohrbach puis de Diemeringen. Une semaine plus tard, c’est l’embarquement en gare de Héming pour le département d’accueil : la Charente. Les Rimlingeois vont se fixer pour une durée indéterminée à Bassac et vivre tant bien que mal loin de leur village… La commune de Rimling garde pourtant une entière autonomie et le maire continue à gérer les affaires communales. Les élèves fréquentent l’école avec leurs instituteurs comme avant la guerre. Le 23 juin 1940, les Allemands font leur entrée à Bassac, à la grande déception des réfugiés. Le 5 octobre, les Mosellans rentrent au « pays ». Ils ne reviendront à Rimling, village sinistré, qu’après un court séjour à Metting.
Pour les Rimlingeois, la résistance aux tentatives d’assimilation de l’occupant est immédiate. Français de cœur et épris de liberté, ils s’opposent aux nazis de toutes leurs forces avec un patriotisme qui ne se démentira jamais.
Le 30 novembre 1940, le Gauleiter Burckel proclame officiellement l’annexion de la Moselle. Le nombre d’actes de sabotage s’intensifie au fil des mois, les évasions, les désertions se multiplient malgré les menaces de représailles. Nombre de jeunes gens entrent dans la clandestinité.
Lors de la progression américaine, les premiers obus US tombèrent sur le village le 5 décembre 1944. C’étaient les troupes du 397e Régiment de la 100e Division d’Infanterie américaine – la Century Division – qui tenaient le flanc ouest de cette Division dans le secteur autour de Rimling. Les habitants se réfugièrent aussitôt dans les caves voûtées, nombreuses dans le village. Ce n’était pas le grand confort, mais on se sentait à l’abri…
La nuit venue, le village est tenu sous un feu d’artillerie intense, et les premières maisons sont touchées. Le lendemain, une seconde maison est la proie des flammes déclenchées par un obus incendiaire. Des munitions et un canon entreposés dans une grange explosèrent. Les jours suivants, aucun répit dans les bombardements sur le village. Une nouvelle maison se met à flamber le 9 décembre 1944. Jour et nuit, des projectiles de tous calibres s’abattirent alternativement sur les différents quartiers de la commune où la population, bien abritée dans les caves, ne déplorait encore aucune perte.
Le 12 décembre débuta la retraite de l’occupant allemand, permettant ainsi aux Américains de libérer le village une première fois. Rimling allait être le théâtre de combats ininterrompus, passant alternativement de l’ennemi aux libérateurs américains. La population civile fut à chaque fois la victime impuissante et le témoin de tous ces revirements stratégiques
A l'aube du 13 décembre 1944, les premières positions américaines parcoururent la colline du Schlossberg en suivant la ligne de crête pour arriver jusqu'au point culminant des "Schliessen", à proximité du village. Cette première libération du village eut lieu le 14 décembre 1944. Un feu intense de mortiers américains s'abattit durant dix minutes sur Rimling et, le feu ayant cessé, l'infanterie américaine fit son entrée dans le bourg.
Celui-ci fut donc pris par l'est, depuis la route de Bettviller et la vallée de la Bickenalbe, et les troupes US se dirigèrent vers Guiderkirch. Une quinzaine d'Allemands furent faits prisonniers dans cette opération. La population pensait alors pouvoir oublier les rudes épreuves des combats, mais il en advint tout autrement à cause du retrait stratégique des Alliés aux alentours de Noël 1944, à la suite de l'offensive des Ardennes déclenchée par Hitler, le 16 décembre 1944. Inutile de décrire la déception de la population civile...! Les Américains occupèrent aussitôt les meilleures maisons de la commune pour y installer des groupes de radio et un poste de commandement.
Entre temps, le 15 décembre, des troupes américaines avaient libéré les dernières localités françaises de Erching et Guiderkirch pour progresser vers la frontière du reich, toute proche. De l'artillerie lourde et de nombreux chars US traversèrent Rimling en direction des communes voisines. La méfiance américaine envers la population ne fit que s'accentuer lorsque les troupes US se rendirent compte qu'un poste émetteur signalait tous leurs mouvements aux Allemands qui tiraient sur les points stratégiques du village avec leur artillerie. Après perquisition, trois jeunes gens furent arrêtés et acheminés vers Rohrbach, mais on finit par relâcher ces innocents dès que l'on découvrit un adjudant allemand camouflé dans une maison abandonnée avec un poste émetteur.
Les jours précédant Noël de cette année 1944, les pionniers des Engineers américains posèrent des mines et installèrent des positions retranchées autour de Rimling et le long de la Route de Sarreguemines. Lors de la retraite des Alliés aux alentours de Noël, à la suite de l'offensive des Ardennes, cette nouvelle situation allait bientôt avoir un impact majeur sur les trois communes frontalières. Le Grand Quartier Général Allié décida un retrait temporaire de toutes les lignes du front, d'où l'abandon des secteurs fraîchement libérés dans notre région. C'est le Général de Gaulle qui avertit le QG allié des conséquences terribles de leur décision stratégique: la population civile allait à nouveau devoir affronter des épreuves et subir les représailles nazies.
Entre Noël 1944 et le Nouvel An 1945, Rimling fut constamment bombardé par les Allemands. Quant aux troupes américaines, elles continuèrent à installer des positions défensives aux extrémités du village du 21 au 25 décembre. C'est à partir de Noël que les troupes US lâchèrent pied à Rimling, face à la pression des Allemands. Le gros des troupes quitta le village, n'y laissant qu'un groupe de défense d'une soixantaine de fantassins. Quel triste Noël que celui de cette année 1944, qui fut en fait celui du retrait des troupes américaines. Ce même jour, un obus allemand tomba sur le parvis de l'église mais sans faire de victimes. Le village restait néanmoins dans les lignes du front et les Américains observaient les environs à partir du clocher de l'église qui deviendra la ligne de mire de l'artillerie allemande. Celle-ci finira par abattre la flèche du clocher peu de temps avant le 31 décembre 1944.
De petits groupes de SS pénétraient souvent dans différents quartiers du village, continuant à faire de Rimling un lieu permanent de combats. Lors de l'Opération Nordwind du 31 décembre 1944 à minuit, cette offensive allemande de la dernière chance pour arrêter l'avance rapide des Alliés à l'Ouest et tenter d'encercler la 7e Armée US, les Allemands ouvrirent un violent feu roulant d'artillerie et de lance-mines sur le village. Ce fut un déluge de feu et plus de 200 obus y tombèrent cette nuit-là. Pour mieux pouvoir tirer sur les troupes US, les Allemands avaient placé une dizaine de chars sur la colline au nord des "Schliessen" d'où ils tirèrent sans interruption durant toute la journée du 1er janvier 1945 et d'où ils lancèrent des attaques contre le 397e Régiment d'Infanterie US, essayant simultanément de profiter de leur succès à l'encontre de la 44e Division d'Infanterie US, à l'ouest du village. Les attaques allemandes furent repoussées grâce aux tirs du 374e bataillon d'artillerie de campagne US.
Le 4 janvier 1945, deux avions survolèrent Rimling à basse altitude et lâchèrent deux bombes sur le quartier de l'église, sur l'école des filles qui fut entièrement rasée, tuant huit personnes réfugiées dans la cave de ce bâtiment. Des cadavres furent retrouvés de l'autre côté de la rue, à plus de trente mètres de l'entonnoir creusé par l'explosion de la bombe et d'autres victimes ne furent retrouvées qu'au printemps, à la fonte des neiges. Ainsi, du 1er au 10 janvier 1945, les SS lancèrent de nombreuses attaques contre Rimling à partir du Schoenhof et de Guiderkirch. Ces assauts furent repoussés par l'artllerie américaine, laissant d'énormes pertes aux assaillants allemands fanatiques.
Le 5 janvier 1945, la Century Division US fit également plusieurs changements dans ses lignes: les 1er et 3e bataillons du 398e RI relevèrent les bataillons du 255e permutant ainsi leurs positions mutuelles. C'est dans la nuit du 7 au 8 janvier 1945 que les troupes SS tentèrent d'enlever la position quasi inexpugnable qu'était devenu Rimling, village qui protégeait ainsi Rohrbach de l'avance allemande. Les troupes fraîches de la 17e Panzer-Grenadier Division "Goetz von Berlichingen" se mirent en place: vers minuit, d'intenses tirs de préparation de l'artllerie allemande sur le village eurent lieu, et vers deux heures du matin, l'assaut des SS débuta. Une nouvelle fois, l'artillerie US stoppa l'avance ennemie mais les dégâts causés aux maisons de Rimling furent énormes. Des groupes SS réussirent malgré tout à s'infilter momentanément dans certains quartiers.
Le 9 janvier, il devint évident que les Américains ne pouvaient plus résister aux attaques nazies contre la colline des "Schliessen" et les troupes US firent retraite après des combats de rues et de maison à maison. Le lendemain, 10 janvier 1945, la déception était immense auprès de la population de Rimling: les Allemands fourmillaient dans les rues, certains prenant même la direction de Guising! Un bombardement aérien US infligea le 12 janvier de nouveaux dégâts au village, tuant aussi des civils qui assistaient, impuissants et angoissés dans les caves, à la destruction de leurs maisons.
Ils avaient installés de petits fourneaux dans leurs caves pour s'y chauffer, se nourissant de pommes de terre, de légumes et de conserves préparées durant l'automne 1944. Ils y cuisaient leur pain et buvaient le lait des vaches prisonnières dans leurs étables. Les habitants de Rimling risquaient chaque fois leur vie en quittant leurs caves pour nourrir ce bétail dont ils subsistaient.
Dans la soirée du 13 janvier des SS accompagnés de chiens-loups firent irruption dans les caves de la Rue de l'Eglise. Ils arrêtèrent 15 hommes civils entre 16 et 60 ans, accusés d'avoir tiré sur une sentinelle allemande. Les otages furent conduits au hangar de la pompe à incendie. Avant de les fouiller, on les avertit que celui, sur lequel on trouverait une arme, serait exécuté sur place; le résultat fut négatif. Bientôt les malheureux furent pris en charge par la Feldgendarmerie... Ce fut un long calvaire de Rimling à Altheim, à travers les obus. Ils furent évacués à Zweibrücken. En cours de route, on leur infligea de multiples brimades, humiliations, interrogatoires par la Gestapo. Les nazis les obligèrent à se laver la tête tous les matins à l'eau froide alors qu'il gelai à pierre fendre. A plusieurs reprises, un peloton d'exécution se plaçait devant eux, l'arme au pied, en attendant les ultimes commandements.
Leur calvaire durera jusqu'au 20 janvier 1945, date à laquelle ils purent prendre le chemin du retour vers Rimling. Après une marche épuisante, ils purent prendre leur première nourriture chaude depuis longtemps, à Guiderkirch. Certains étaient si épuisés qu'ils ne purent poursuivre leur chemin jusqu'à Rimling, pourtant si proche. La population de Rimling vit alors revenir ces hommes épuisés, brisés physiquement et moralement par leur long calvaire.
Dans le village, les combats se poursuivaient oujours. Brisés de fatigue, les ex-otages regagnèrent les caves où ils furent accueillis avec soulagement par leurs proches laissés dans la plus grande angoisse depuis leur départ.
Liste des otages du 13 janvier 1945
- Beck Aloyse, cultivateur
- Bruch Baptiste, cultivateur
- Fuchs Jacques, cultivateur d'Epping
- Fuchs Jean, cultivateur d'Epping
- Hemmert Chrétien, ouvrier
- Hoellinger Alfred, cultivateur
- Hoellinger Jean-Pierre, appariteur
- Hoellinger Joseph, cultivateu
- Hoellinger Justin, facteur
- Kuhn Marc, ouvrier
- Riewer Pierre, 14 ans, le benjamin du groupe
- Schoeser Aloyse, ferblantier
- Stephanus Joseph, infirmier
- Weiss Chrétien, cultivateur
- Weiss Joseph, cultivateur
Dans le bourg où le feu de l'artillerie américaine s'abattait sans cesse sur les maisons en ruine, le calvaire continuait. La police allemande rôdait continuellementdans le village qui fut pillé systématiquement: les chevaux furent réquisitionnés et le bétail abattu.